Claire Culhane – une leader de renommée mondiale dans les domaines du mouvement antiguerre et de la défense des droits des détenus – comptait parmi les militants politiques les plus en vue de son époque.
Claire Culhane voit le jour à Montréal en 1918. Fille de Rose et d’Abraham Eglin, deux immigrants juifs originaires de la Russie, elle grandit au côté de son frère aîné Jack. Dès son plus jeune âge, la jeune fille affiche un intérêt marqué pour la justice sociale et la désobéissance civile. Durant la Grande dépression, elle vient en aide aux Québécois les plus mis à mal par la crise. Puis, au début de l’âge adulte, Claire Culhane se joint au Parti communiste canadien et s’affiche en faveur de la fin de la guerre civile espagnole. La Gendarmerie royale du Canada commence alors à s’intéresser aux activités de la militante montréalaise. Le dossier qu’elle lui consacre sera alimenté pendant près de 50 ans.
En 1967, Claire Culhane est sélectionnée par le gouvernement fédéral pour participer, pendant un an, à l’établissement d’un hôpital pour tuberculeux à Quang Ngai City, au Vietnam (près de Saigon). Elle compte alors se servir de son expérience en tant que bibliothécaire préposée aux dossiers médicaux pour travailler à l’hôpital à titre de conseillère et adjointe administrative. À son grand dam, elle constate rapidement que le système d’enregistrement confidentiel qu’elle a aidé à mettre en service est constamment compromis par le chef de l’équipe canadienne d’aide médicale. En effet, ce dernier transmet des renseignements sur les patients à l’ambassade américaine et à la CIA. Déçue par le rôle joué par le Canada dans la guerre du Vietnam, la Montréalaise quitte l’Asie en 1968, moins de deux semaines avant le massacre de My Lai.
De retour au Canada, Claire Culhane proteste contre la guerre de maintes façons. Elle porte plainte officiellement auprès du gouvernement fédéral, elle jeûne pendant 10 jours sur la Colline du Parlement à Ottawa, elle s’enchaîne à une chaise dans la Chambre des communes et elle campe dans le froid pendant 19 jours en compagnie du cinéaste Mike Rubbo. Ces derniers distribuent des pamphlets antiguerre durant leur campagne Enough/Assez. La militante écrit également un livre, Why is Canada in Vietnam? The Truth about our Foreign Aid, qui contribue à galvaniser le mouvement antiguerre.
Dans un tout autre ordre d’idée, Claire Culhane est surtout connue pour son travail en matière de défense des droits des détenus. Ne croyant pas à la réforme pénitentiaire, elle s’affiche plutôt en faveur du démantèlement des prisons. En 1975, une prise d’otage a lieu au Centre correctionnel régional pour femmes de Lakeside, où Mme Culhane a déjà fait du bénévolat à titre d’enseignante en études féministes. Trois détenues en voie d’être de nouveau placées en isolement cellulaire prennent 15 personnes en otage, provoquant ainsi une confrontation de 41 heures avec le personnel pénitentiaire. Une agente correctionnelle est accidentellement tuée par ses collègues lorsque l’équipe d’intervention d’urgence décide de sonner la charge.
Après avoir participé à la fondation du groupe militant vancouvérois Prisoners’ Rights Group (PRG), Claire Culhane se joint en 1976 à une nouvelle organisation nommée le Citizens Advisory Committee (CAC). Lorsque la pire émeute en 50 ans éclate au Pénitencier de la Colombie-Britannique, la Montréalaise et ses collègues du CAC sont appelés à négocier une entente entre les détenus et les autorités carcérales. Mme Culhane se verra par la suite interdire l’accès aux centres correctionnels pour de nombreuses années. Elle publiera deux ouvrages sur ses expériences en milieu pénitentiaire : Barred from Prison : A Personal Account (Chassée de prison : un témoignage) et Still Barred from Prison: Social Injustice in Canada. Au cours de sa vie, la militante a fait entendre sa voix de maintes façons, notamment en organisant des manifestations assises dans les bureaux des gardiens de prison, en faisant du piquetage sur la colline parlementaire, en animant l’émission de télévision Instead of Prisons de même qu’en écrivant et en discourant longuement au sujet de la prison en tant que forme de contrôle social.
Relatant la vie de Claire Culhane, Mick Lowe a fait paraître la biographie One Woman Army en 1992.