Avant l’arrivée de la Cosa Nostra new-yorkaise au début des années 1950, les activités du crime organisé montréalais, comme le jeu illégal, le trafic de drogue et la prostitution, étaient gérées localement. Des années 1920 au début des années 1950, de nombreux Juifs ont pris part aux diverses activités illicites menées par la pègre montréalaise.
Au début des Années folles, Max Shapiro quitte la Pologne pour Montréal. Exploitant l’une des maisons de jeu les plus lucratives de la métropole, il devient copropriétaire du célèbre hôtel et restaurant Ruby Foo’s en 1962.
Originaire de New York, Harry Feldman est propriétaire d’un immeuble de trois étages situé au coin des rues de Bleury et Sainte-Catherine. Tandis que le rez-de-chaussée abrite un commerce légitime, les étages supérieurs servent de repère aux preneurs aux livres. Contrairement à la plupart des autres gangsters de son époque, M. Feldman mène une vie rangée, préférant se tenir loin du trafic de stupéfiants. Bien qu’il soit copropriétaire de plusieurs établissements montréalais de renom, dont le club de danseuses Chez Parée, Harry Feldman est surtout considéré comme un homme de famille. Tout au long de sa vie active, il parvient à passer sous le radar des autorités policières. Ses aptitudes organisationnelles hors pair lui valent même des éloges de la part de Pacifique Plante, l’ancien chef de la police de Montréal.
Originaire de la Roumanie, Harry Davis exerce une grande emprise sur le monde du jeu illégal montréalais. Il est notamment connu pour avoir commandité le premier assassinat jamais perpétré dans le monde interlope montréalais. En 1935, il ordonne l’exécution de Charles Feigenbaum, un délateur dont le témoignage l’a conduit à purger une peine de 14 ans d’emprisonnement pour trafic de morphine. Le 21 août 1934, M. Feigenbaum est froidement abattu sur l’avenue de l’Esplanade, à la hauteur du parc Jeanne-Mance. Peu de temps après avoir recouvré sa liberté au milieu des années 1940, Harry Davis reprend le contrôle du jeu illégal dans la métropole québécoise. Ceux qui désirent ouvrir une nouvelle maison de jeux dans le quartier du Red Light doivent désormais en demander l’autorisation à M. Davis, en plus de lui verser 20 pour cent de leurs profits.
Le règne du célèbre bandit montréalais connaît une fin abrupte le 25 juillet 1946. Le gangster, dont les prétentions ont précipité la mort, est abattu à bout portant dans sa propre maison de jeu située au 1244, rue Stanley. Son assassin, un dénommé Louis Bercowitz, est un escroc à qui il avait défendu d’ouvrir sa propre maison de jeu. La mort d’Harry Davis permet aussitôt à Harry Ship de prendre le contrôle de l’industrie du jeu illégal. Sa mauvaise gestion permettra quelques années plus tard à la Cosa Nostra new-yorkaise de s’immiscer dans le monde interlope montréalais, marquant ainsi le début d’une nouvelle ère au sein du crime organisé québécois.
Appelé le « roi du jeu », le preneur aux livres Harry Ship exploite de nombreux casinos illégaux sur l’île de Montréal. Né en 1915, il étudie brièvement les mathématiques à l’Université Queen’s au début de sa vie adulte. Bien qu’il fasse preuve d’un excellent rendement scolaire et qu’il soit très respecté de ses collègues étudiants, Harry Ship décide de quitter l’université avant la fin de ses études. Dès son retour à Montréal en 1940, il met sur pied une série de « maisons blanches » le long de la rue Sainte-Catherine. Chaque maison, qui est en réalité un casino illégal, comporte cinq lignes téléphoniques, des tableaux noirs et des casques d’écoute. Cet équipement permet aux joueurs de parier tout en notant leurs mises. La popularité des maisons blanches atteint un tel niveau que M. Ship doit bientôt y faire installer des cubicules afin de pouvoir accommoder tous les joueurs potentiels.
Parallèlement, Harry Ship exploite des casinos illégaux à Lachine, à Greenfield Park et même dans une ferme de Côte-Saint-Luc. Le succès retentissant des nombreux établissements qu’il dirige d’une main de fer lui permet de mener un grand train de vie. De 1940 à 1946, le célèbre bandit montréalais engrange des profits annuels s’élevant à plus d’un million de dollars (ce qui équivaut aujourd’hui à environ 15 millions de dollars). Possédant, entre autres, un manoir à Outremont et le club de danseuses Chez Parée, où se produisent de grands artistes américains comme Dean Martin et Frank Sinatra, Harry Ship doit constamment composer avec les rafles policières visant ses établissements. Il se retrouve souvent dans l’obligation de payer des amendes salées aux autorités policières. En 1948, il est finalement arrêté et condamné à six mois d’emprisonnement.
À la fin des années 1940, Harry Ship joue un rôle important dans l’implantation de la Cosa Nostra à Montréal. Durant cette période, il en vient à devoir énormément d’argent à Frank Erikson, le preneur aux livres le plus prospère de la côte Est, dont les associés passifs incluent Meyer Lansky, Frank Costello et Lucky Luciano. Lourdement endetté, Harry Ship se voit contraint d’accepter l’ingérence des familles mafieuses new-yorkaise dans le monde interlope montréalais au tournant des années 1950. La pègre new-yorkaise prend aussitôt le contrôle du crime organisé, faisant rapidement de Montréal une plaque tournante de la prise de paris clandestins et du trafic d’héroïne.
On ne sait trop ce qu’il advint d’Harry Ship par la suite. Reposant aux côtés des membres de sa famille au cimetière Baron De Hirsch, il a été, comme bien d’autres figures emblématiques locales, immortalisé dans le roman de Mordecai Richler intitulé The Apprenticeship of Duddy Kravitz (L’Apprentissage de Duddy Kravitz).
Liens :
http://imjm.ca/location/2078
Schneider, Stephen. Iced: The Story of Organized Crime in Canada
D’Arcy O’Connor, Montreal’s Irish Mafia: The True Story of the Infamous West End Gang
Stephen Schneider, Iced: The Story of Organized Crime in Canada
Kristian Gravenor, http://coolopolis.blogspot.ca/2011/10/montreals-top-10-gangland-murders-10.html