Joseph Schubert a été à la fois un dirigeant syndical, un réformateur en matière de santé publique et un conseiller municipal bien en vue à Montréal. Durant les années 1920 et 1930, il a défendu les intérêts des downtowners, une communauté montréalaise d’immigrants juifs fraîchement établie dans la métropole.
Originaire de Roumanie, Joseph Schubert commence à travailler comme tailleur de pantalons peu de temps après son arrivée à Montréal. Au cours des années suivantes, il occupe rapidement des postes importants au sein des syndicats, de la communauté juive et du conseil municipal.
Ardent défenseur des droits des travailleurs, Joseph Schubert dénonce l’exploitation des ouvriers du vêtement avant de devenir secrétaire du Cloak Presser’s Union, le syndicat de l’industrie du manteau. À l’époque, les syndicats de ce secteur sont pour la plupart des organisations juives mises sur pied par des immigrants d’Europe de l’Est, qui s’inspirent de la pensée des socialistes du Bund, le syndicat général des travailleurs juifs d’Europe de l’Est. Par ailleurs, ces syndicalistes sont également influencés par le Workmen’s Circle, une organisation yiddishiste fondée aux États-Unis par des Juifs faisant la promotion des valeurs associées à la culture yiddish. Au début du XXe siècle, de nombreux conflits de travail opposent les propriétaires juifs des usines de confection, les uptowners, aux travailleurs juifs issus de l’immigration, les downtowners. Lors de la grève de 1912 de la Clothing Manufacturers’ Association of Montreal (l’Association des fabricants de vêtements de Montréal), Joseph Schubert participe à la négociation d’un compromis entre les deux parties afin de faire passer la semaine de travail de 55 heures à 49 heures.
Élu à l’Hôtel de Ville de Montréal en 1924 pour représenter la circonscription électorale de Saint-Louis, dont la plupart des électeurs sont de confession juive, Joseph Schubert se bat pour faire valoir les droits des travailleurs durant les quinze années que durera son mandat. L’un de ses plus grands accomplissements est l’instauration de la journée de travail de huit heures et du salaire minimum de 50 cents l’heure pour les employés municipaux. Au cours d’une grève décrétée en 1925, M. Schubert dément vigoureusement la rumeur selon laquelle les grévistes sont tous des Juifs. Son intervention vise alors à contrer l’antisémitisme qui a pour objectif de discréditer les efforts des travailleurs.
Socialiste, Joseph Schubert prône l’augmentation des taxes et des impôts afin d’améliorer la prestation des services sociaux, une position partagée par très peu d’électeurs. Il doit en outre combattre les rumeurs selon lesquelles il sympathise avec des communistes. En fait, ces allégations proviennent, d’une part, du fait qu’il se porte à la défense de Juifs russes s’étant vu refuser l’accès au Canada en raison de leur prétendue allégeance communiste, et, d’autre part, de sa charge en tant qu’unique représentant du Parti ouvrier au conseil municipal de Montréal. Malgré ces accusations, Joseph Schubert continue de recevoir l’appui de la population, ce qui lui permet de diriger l’opposition officielle face à la puissante administration libérale de 1924 à 1930. Il critique vivement entre autres les liens apparents du parti au pouvoir avec la pègre.
Au cours des années 1920, M. Schubert est appelé à se prononcer sur la question des écoles juives. Le premier ministre Louis-Alexandre Taschereau le nomme en effet parmi les représentants juifs siégeant au comité chargé d’examiner l’éducation des enfants catholiques, protestants et juifs. Au terme de cet exercice, le conseiller municipal montréalais se prononce en faveur d’un réseau d’écoles juives séparé.
Durant son mandat à titre de conseiller municipal, M. Schubert aborde le problème de la propagation des maladies causée par le surpeuplement et l’insalubrité dans les usines. Pendant la Grande Dépression, il est chargé de présenter un rapport sur le chômage et la distribution de l’aide sociale partout en Amérique du Nord. Son constat touche une corde sensible : les dépenses gouvernementales associées à la santé publique de Montréal sont, toutes proportions gardées, les plus faibles en Amérique du Nord. Cette situation est une véritable source d’embarras pour l’administration municipale, qui se rend compte que la métropole québécoise détient les taux les plus élevés de mortalité infantile et de tuberculose du continent. Le rapport de M. Schubert donne lieu à la mise sur pied d’une commission d’enquête sur la santé publique. Au terme de la Commission, le célèbre défenseur des droits des travailleurs contribue à établir des mesures visant à prévenir la propagation de maladies sur le territoire montréalais. Il fait ainsi construire, en 1931, un bain public pour les familles d’immigrants qui n’ont pas accès à l’eau chaude. Situé à l’angle de la rue Bagg et du boulevard Saint-Laurent, cet établissement est aujourd’hui une piscine publique appelée le Bain Schubert.
Remerciement spécial au Musée du Montréal Juif.
Sources :
http://imjm.ca/location/1020
http://www.cjhn.ca/permalink/38718
http://www.imtl.org/montreal/building/Bains-Schubert.php